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Lymphocytes T : des cellules faites pour durer… et se multiplier !

Les lymphocytes, particulièrement, les lymphocytes T CD8 sont des cellules capables de se diviser intensément, pour produire à partir d’une unique cellule, un clone composé de 10 à 100 000 cellules filles exprimant toutes les mêmes récepteurs pour l’antigène (TCR). Existe -t-il une limite à cette capacité de prolifération ?
un article rédigé par Sylvain DUBUCQUOI 22/05/2023

Une limite imposée par nos extrémités de chromosomes

Classiquement, et pour des cellules telles que les fibroblastes, on estime que les capacités de prolifération des cellules normales est bloquée après 50 à 60 divisions cellulaires (phénomène appelé « limite de HAYFLICK » ). Après ce nombre de divisions, les cellules entrent alors en apoptose, et disparaissent.

Le raccourcissement des télomères est un phénomène clairement associé à cette limite, agissant un peu comme un compteur de divisions cellulaires, et imposant la limite à ne pas dépasser... en situation physiologique.

Et pour les lymphocytes T ?

Les lymphocytes T CD8 sont des cellules douées d’un haut potentiel de division cellulaire. Cela permet, dans des délais très courts, de compenser le fait que les cellules T exprimant un récepteur pour l’antigène (TCR) "d’intérêt" pour lutter contre un agresseur, sont rares dans un organisme (nombre estimé à 1/100 000 cellules). Grâce à ces capacités de prolifération, et en quelques jours à quelques semaines, un unique lymphocyte T CD8 activé et spécifique d’un motif antigénique particulier, est capable de se diviser pour donner un clone composé de cent-mille à un million de cellules filles, transformées en cellules "effectrices tueuses" ("cytotoxiques") ou "mémoire" pour assurer la défense d’un individu contre cet agresseur.

Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que cela génère un grand nombre de cellules reconnaissant toutes la même partie ("l'épitope") de l'agresseur...

Cet agresseur étant généralement constitué de milliers de motifs antigéniques différents, on peut comprendre alors que, lors d'infections (COVID, infections à CMV...) et cela même, à l'échelle d'un unique individu, la réponse de nombreux lymphocytes TCD8 différents va être sollicitée.

A terme, c'est un nombre très important de lymphocytes T qui, tous ensemble sont engagés dans la lutte contre l'infection.

A l'échelle d'un individu, encore une fois, des processus de contrôle se mettent en place pour limiter cette expansion clonale et permettre la survie de cellules qui exprimeraient d'autres TCR, qui pourraient être utiles lors d'une infection ultérieure par un autre pathogène (cette limitation est appelée "contraction clonale")

Que se passe-t-il si on dépasse cette limite de "l'individu unique", c'est à dire si on transfère des lymphocytes T d'un sujet à un autre, et ce sur plusieurs générations, sans limites ni contrôle à l'expansion clonale.

L'expérience a été tenté chez la souris.

Protocole expérimental
https://www.nature.com/articles/s41586-022-05626-9

Pour dépasser les limites liées à la durée de vie de la souris, les auteurs ont utilisé une stratégie de "primo-vaccinations/rappels" et de transferts adoptifs (en cascade).

Des souris CD45.1 C57Bl/6 ont été infectées par une combinaison de 3 virus exprimant toutes un motif antigénique (N-52-59) restreint au CMH de la souris (H-2kb). Un délai de 60 jours séparait chaque infection.

Après la troisième infection, (et le délai nécessaire à la contraction clonale) une fraction des cellules T CD8 CD45.1+ marquées par le tétramère H-2kb:N52-59 ont été transférées à des souris congéniques mais CD45.2+ qui ont été elles-mêmes l'objet d'un schéma vaccinal primo vaccination/rappel.

Et ainsi de suite avec au total : 51 infections virales conduites chez 17 "générations" de souris sur une durée de ...10 ans.

Des chiffres aux dimensions astronomiques

Malgré la durée de l'étude et les multiplications cellulaires qui se sont succédé, les télomères des lymphocytes CD8 ne se sont pas raccourcis. Le phénotype cellulaire s'est progressivement transformé avec l'expression de gènes de la la famille "TOX", "PD-1" et "TIM-3" sans pour autant que les cellules ne soient épuisées ("exhausted") puisqu'elles avaient maintenu une capacité de prolifération rapide, de produire des cytokines et de contrôler l'infection virale. Pour donner un ordre d'idée (et de façon un spectaculaire), les auteurs ont calculé qu'une unique cellule T naïve, exprimant un TCR capable de réagir au motif N-52-59 dans un contexte CMH H2Kb était donc capable de générer, sur une durée de 10 ans : une quantité de 10 suivi de 41 zéros lymphocytes T mémoire ("10 puissance 41") , correspondant à un volume de 30 000 fois celui occupé par notre planète Terre.

  • Public : immunologistes, grand public (ne pas s'attarder au protocole expérimental)
  • Temps de lecture : 4 minutes
  • Une actualité mise relue par le Dr Delphine STERLIN (APHP Paris)
  • Images : Crédit "depositphotos"
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