Il a longtemps été supposé un rôle pathogénique direct des anticorps anti-CCP en raison de leur association avec un profil de maladie rhumatoïde plus sévère et des effets pathogéniques sur divers types cellulaires in vitro.
Une étude publiée en 2023 par _He et al. évoque pourtant l’existence d’auto-anticorps anti-protéines citrullinées qui présenteraient des fonctions protectrices contre l'inflammation et la destruction articulaire, à contre-courant des hypothèses actuelles.
Les auteurs de ce papier ont utilisé un panel d’anticorps anti-CCP monoclonaux provenant de plusieurs patients souffrant de PR. Ces anticorps ont ensuite été « murinisés », par couplage des Fab humains d'auto-anticorps à un fragment Fc murin d’IgG2b, pour permettre leur tolérance au sein d’un modèle d’arthrite testé chez la souris.
Leur réactivité a d’abord été étudiée in vitro vis-à-vis d'un panel de peptides cycliques citrullinés et non citrullinés, dont 54 couvrant la séquence protéique du collagène de type II.
Deux anticorps réagissant spécifiquement vis-à-vis des peptides citrullinés ont été transférés de manière passive dans deux modèles murins différents d’arthrite : l’arthrite induite par les anticorps anti-collagène et l’arthrite induite par la glucose-6-phosphate isomérase, dépendante des lymphocytes T. Le transfert passif de ces anticorps à la souris n’a pas montré d’effets arthritogéniques et un des anticorps, (appelé "E4"), a révélé au contraire un profil protecteur.
Chez les souris ayant reçu l’anticorps E4, l’effet « protecteur » se manifestait par un score d’arthrite plus faible, moins de douleurs, et un nombre diminué d’ostéoclastes (responsables de la dégradation du cartilage) au sein des coupes histologiques d'articulations atteintes, comparativement aux souris contrôles. Des analyses complémentaires ont montré que les anticorps E4 ciblaient les motifs du collagène de type II citrullinés, présents au sein de l’articulation de la souris. Ils étaient capables de se lier aux macrophages et aux cellules dendritiques in vivo. Notamment, la liaison de E4 aux macrophages permettait de bloquer le "switch" phénotypique des macrophages en ostéoclastes, ce qui participerait à limiter les dégradations tissulaires.
Enfin, l’effet « protecteur » de « E4 » dans le modèle murin d’arthrite induit par le collagène était dépendant de la présence de la fraction constante Fc glycosylée de l’anticorps et de son interaction avec le récepteur Fc gamma R2B (FcyR2B) chez la souris.
L’exploration chez l’Homme rendue possible par l’utilisation de techniques d’immunoprécipitation des complexes immuns puis d’identification des peptides liés aux anticorps par spectrométrie de masse, a montré que E4 était capable de lier de manière quasi-exclusive, l’enzyme alpha-énolase citrullinée, présente dans le liquide synovial des patients atteints de PR. Les complexes immuns E4/alpha-énolase citrullinée avaient une meilleure interactivité avec le FcyR2B que les complexes E4/alpha-énolase non citrullinée et se sont révélés capables de stimuler des macrophages d’origine humaine via leurs récepteurs Fc.
De cette interaction résultaient la diminution de l’ostéoclastogénèse (contribuant à l’érosion osseuse et l’atteinte de la synovie) et une augmentation de la production d’IL-10, cytokine immunosuppressive, qui pourrait limiter les dommages liés à l’inflammation.
Les données de cette étude confortent les résultats d’une autre équipe qui a également testé des anticorps anti-CCP de patients atteints de PR responsables d’effets variables chez la souris, tantôt inflammatoires, tantôt protecteurs pour le développement d’une arthrite murine au collagène.
Cependant, l’extrapolation de ces résultats chez l’Homme reste pour l’instant sujet à débat, dans la mesure où les anticorps testés ont été modifiés pour être utilisables dans un modèle murin d’arthrite. De même, le profil de glycosylation des anticorps produits chez l'homme dans le contexte inflammatoire de la PR ne sera probablement pas celui qui a conduit à observer les effets tolérogènes chez la souris.
Au total, l’existence inattendue d’auto-anticorps protecteurs in vivo est une piste intéressante pour une meilleure compréhension de la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde. Cela pourrait permettre d’expliquer pourquoi les thérapies ciblant les lymphocytes B n’ont pas toujours d’efficacité probante dans la polyarthrite rhumatoïde d’une part, et d’autre part pourquoi certains individus présentant pourtant des anticorps anti-CCP ne développent jamais de véritable maladie de type polyarthrite rhumatoïde.