Contact
ACTUALITÉ

Même les expressions populaires peuvent avoir un fondement scientifique !

Pourquoi s’enrhume-t-on plus facilement en hiver ? Est-ce parce que nous nous rassemblons au chaud, en espace clos... à partager nos microbes. Probablement ! Mais la baisse de la température extérieure réduit également les capacités de défenses contre les virus respiratoires. Des chercheurs d’équipes américaines et marocaines viennent de le montrer.
un article rédigé par Sylvain DUBUCQUOI 03/01/2023
  • Public : immunologistes
  • Temps de lecture : 5 minutes
  • Un article relu par le Pr Sophie CANDON (Rouen)

« Couvre-toi, sinon tu vas prendre froid ! »

Les voies aériennes supérieures sont la porte d’entrée de nombreuses pathologies infectieuses d’origine virale, généralement bénignes mais qui peuvent parfois se compliquer. Elles engendrent également un coût important pour la Société, en termes d’absentéisme professionnel ou scolaire, notamment. Nombreux sont les virus qui peuvent en être à l’origine, virus particulièrement adaptés à leurs hôtes, car susceptibles de muter pour échapper à une immunité préexistante… L’actualité "Grippe, Covid, virus respiratoire syncitial" en est encore la démonstration. Justement, comment expliquer que la période hivernale est plus propice aux rhumes ? Est-il vrai que le refroidissement corporel nous sensibilise aux infections ? On peut en avoir fait l’expérience, mais quel en est le support moléculaire ?

Muqueuse nasale et mécanismes de protection locaux contre les infections virales

La cavité nasale est une zone majeure de contact entre l'environnement et le corps humain. Cette muqueuse est donc en première ligne pour nous protéger contre de multiples agressions. L’effet de barrière de cette muqueuse est associé à l’intégrité de l’épithélium mais il est renforcé par la sécrétion de mucus, et un appareil mucociliaire qui assure le transport des particules inhalées vers le carrefour aérodigestif, puis, après déglutition, l’estomac, où elles sont détruites .

Des récepteurs pour nous protéger

Les cellules épithéliales nasales sont également équipées de différents récepteurs dits de l’immunité innée, reconnaissant des motifs partagés (ou « invariants ») de différents agents pathogènes. Parmi les différents récepteurs exprimés, le Toll Like Receptor 3 (TLR 3) est considéré comme un acteur majeur de la défense cellulaire anti-virale, car il est capable de réagir au contact de molécules d’ADN double brin, molécules produites au cours de la réplication des virus. Il permet alors d'engager différents mécanismes qui aident à lutter contre l'infection.

Une escadrille d'autres mécanismes de protection

D'autres mécanismes de protection viennent d’être rapportés. Ils reposent sur la production, et le partage altruiste entre cellules, de « vésicules extracellulaires (VEs) ». Ces VEs sont de très petites vésicules lipidiques emplies de molécules biologiquement actives (protéines, ARNm, métabolites…), sécrétées en "essaim". Elles participent aux échanges et à la communication entre les cellules. C'est un moyen de contrôler certaines réponses cellulaires de l'hôte ou celles d’un agresseur potentiel (agent infectieux) en partageant des moyens de lutte avec des cellules situées à distance. Il a été montré par exemple que des VEs pouvaient apporter à des cellules qui n’en exprimaient pas nativement, des récepteurs qui empêchent la pénétration des virus dans les cellules, ou des substances interférentes (ARN interférents ou "miRNA") qui bloquent les processus de réplication virale.

Observations de l’équipe de chercheurs américains et marocains

Source : Cold exposure impairs extracellular vesicle swarm–mediated nasal antiviral immunity. Di Huang et al. Journal of Allergy and Clinical Immunology, dec 2022.

A l’état de base, les cellules épithéliales nasales n’expriment pas de mécanismes de protection contre les infections virales respiratoires. A l’inverse, leur stimulation via des récepteurs (les TLR3 ) capables de reconnaitre des motifs partagés par de nombreux agents viraux, conduit à la sécrétion de VEs permettant de partager une activité anti-virale avec les cellules voisines. Il s’agit d’une large activité anti-virale puisqu’elle apporte une protection vis-à-vis d’un large spectre de corona- et rhinovirus.

Contenu des microvésicules (VEs)

Les auteurs du travail ont pu montrer que cette activité protectrice était en lien avec le contenu riche des VEs en miRNA miR-17, mais également avec l’expression de récepteurs tels qu’ICAM-1 et de LDLR qui lient différents virus alors qu’ils sont encore à la surface de la cellule qu'ils infectent (figure). L'expression de ces récepteurs à la surface des VEs, permettrait que les virus soient rapidement captés puis éliminés via le mucus, avant même qu'ils ne puissent interagir avec ces mêmes récepteurs exprimés par les cellules épithéliales pour les infecter. Ce mécanisme de protection est considéré comme largement plus efficace par rapport à la sécrétion de ces mêmes récepteurs produits sous forme soluble.

Impact du froid sur les moyens de défense de la muqueuse nasale

Des travaux antérieurs rapportent que le froid et l’humidité extérieurs augmentent la susceptibilité d’un hôte à la grippe (référence 1). Des travaux ont suggéré que ceci pouvait être en lien avec le fait que certains virus se répliquent mieux à basse température.

Ce que montre cette étude.

Dans leurs travaux, les 2 équipes montrent que l’exposition des cellules épithéliales nasales à une température de 32°C (soit 5° seulement en dessous de la température du reste de l'organisme) suffit à altérer la sécrétion de VEs associées à la stimulation via le TLR3, en réduisant notablement l’expression de miR-17, mais également des récepteurs LDLR, et ICAM-1. Ainsi une réduction de température des cellules épithéliales nasales conduit à réduire de plus de 40% le nombre de VEs, sécrétées, et de réduire leur contenu en molécules anti-virales de près de 25%. Ces résultats complètent ceux d’une étude antérieure qui avait rapporté la diminution de l’expression de la molécule RIG, impliquée dans l’expression cellulaire des interférons de type I, interférons largement impliqués dans la mise en place d’une réponse anti-virale robuste de la part de l'hôte.

Sortez masqués !

De façon non anecdotique, le port du masque nous protège donc en offrant une barrière physique aux virions présents dans l'air ambiant, mais aussi en créant une enceinte permettant de réchauffer l'air que nous respirons ! Alors pourquoi s'en priver ?

En savoir plus

Référence : (1) Jaakkola K, Saukkoriipi A, Jokelainen J, Juvonen R, Kauppila J, Vainio O, et al. Decline in temperature and humidity increases the occurrence of influenza in cold climate. Environ Health 2014;13:22)

Les ARNs interférents : séquence vidéo YOUTUBE, voir également ici
Les microvésicules
Actualités suivantes

LT Th17
Sylvain DUBUCQUOI

Les Lymphocytes Th17, vous connaissez ?

Je crois pas non ;-)

En tout cas, pas aussi bien qu'une fois que vous aurez lu cette belle revue publiée ce 3 janvier dans la revue Nature Immunology.

Un nouveau vaccin contre la bronchiolite du nourrisson ?
Delphine STERLIN

Une nouvelle arme pour la prévention de la bronchiolite, problème majeur de santé chez les nourrissons à l'approche de l'hiver, vient d'être autorisée par l'Agence Européenne du Médicament.