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ACTUALITÉ

L’efgartigimod, une nouvelle molécule ciblant le FcRn, efficace en traitement de la myasthénie.

La myasthénie est une maladie auto-immune provoquant une faiblesse musculaire impactant la qualité de vie des patients. Une étude a testé un nouveau médicament l'efgartigimod, fragment Fc d'IgG1 humaine d’affinité accrue pour le récepteur néonatal des immunoglobulines dans le traitement de la myasthénie.
un article rédigé par Alexandre JENTZER 08/02/2023
Aucunes données associées
  • Public cible : grand public ; médecins, étudiants
  • Temps de lecture : 4 minutes
  • Une actualité relue par les Pr Sophie CANDON (Rouen) et Sylvain DUBUCQUOI (Lille)

La myasthénie, qu'est ce que c'est ?

La Myasthénie

La myasthénie est une maladie chronique, auto-immune, provoquant une faiblesse musculaire impactant la qualité de vie des patients. La majorité des patients ont des auto-anticorps pathogènes de type immunoglobulines G (IgG), anti-récepteur de l’acétylcholine (RAch) ou plus rarement des auto-anticorps anti-muscle-specific tyrosine kinase (MuSK) ou anti-l_ow-density lipoprotein receptor-related protein 4_ (LRP4). Les anti-RAch bloquent la liaison de l’acétylcholine à son récepteur au niveau de la jonction neuromusculaire, ce qui entraîne l’altération de la transmission neuromusculaire et de la symptomatologie. Les traitements de première intention de la myasthénie sont les anticholinestérasiques à visée symptomatique et les corticoïdes. D’autres immunosuppresseurs peuvent être utilisés particulièrement dans les formes sévères comme le rituximab ou les Immunoglobulines intraveineuses (IVIg).

Rôle du récepteur néonatal Fc et de l'efgartigimod

Le récepteur néonatal Fc (FcRn) est une molécule CMH-like qui interagit avec les IgG circulantes, mais également l’albumine. Exprimé notamment par les cellules endothéliales, il permet après internalisation par endocytose des protéines plasmatiques, de préserver les IgG de la dégradation lysosomale, et après exocytose dans le milieu extracellulaire, de les recycler. Il prolonge ainsi la demi-vie des IgG à trois semaines, générant une épargne significative des anticorps (Ac), limitant ainsi la pression de production des immunoglobulines produites par les plasmocytes. Ce FcRn contribue aussi au passage des Ac des muqueuses (intestinales, respiratoires...) vers la lumière, environnement hébergeant la flore. Il contribue également aux passages des Ac de la mère vers le fœtus, au cours de la grossesse.

Dans les maladies auto-immunes, il contribue cependant à prolonger la durée de vie des auto-anticorps, comme ceux associés à la myasthénie.

L'efgartigimod est un fragment Fc d'IgG1 humaine qui a été conçu pour avoir une affinité accrue pour le FcRn par rapport aux IgG endogènes. Il diminue ainsi le recyclage des IgG, dont les anti-RAch, par compétition directe au niveau du site de liaison au FcRn.

Les résultats de l'essai thérapeutique ADAPT

L’étude ADAPT parue dans Lancet Neurology décrit un essai clinique randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo, multicentrique, de phase 3 évaluant l'efgartigimod chez 167 patients atteints de myasthénie. Parmi eux, 77% présentaient des Ac anti-RAch et 4% des anti-MuSK. Les patients ont été suivis sur une période de 6 mois. Ils ont reçu soit l’efgartigimod (n=84) soit le placebo (n=83), en perfusions hebdomadaires.

Le critère d’évaluation principal était une diminution d’au moins 2 points sur 4 semaines consécutives de l’échelle Myasthenia Gravis Activities of Daily Living (MG-ADL), échelle d’évaluation des symptômes de la myasthénie et des activités quotidiennes allant de 0 à 24. En termes d’efficacité, 68% des patients du groupe efgartigimod ont répondu au critère d’évaluation principal contre 30% pour le groupe placebo avec un Odds Ratio de 4,95 (IC95% (2,21-11,53), p<0,0001) sans différence observée en termes d’effets secondaires sévères. Une tendance à l’augmentation des infections post-traitement par efgartigimod est à noter. L’amélioration du score de MG-ADL est estimée à 5 points sous efgartigimod. Chez les patients présentant des anti-RAch, l’efgartigimod induit une réduction de 61% de la concentration des IgG totales et 58% de réduction des IgG anti-RAch, une semaine après la quatrième perfusion. Les concentrations des IgG remontent à la ligne de base 9 semaines après la dernière perfusion.

Conclusion

Cet essai de phase 3 montre que l'efgartigimod est bien toléré et permet une amélioration clinique des patients atteints de myasthénie. Cette nouvelle molécule pourrait être positionnée en traitement de fond de la myasthénie de forme modérée à sévère, permettant une épargne cortisonique et une alternative au rituximab ou aux IVIg.

Sources et en "Savoir Plus"

Source :

Safety, efficacy, and tolerability of efgartigimod in patients with generalised myasthenia gravis (ADAPT): a multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial.

James F Howard Jr et al. Lancet Neurol 2021; 20: 526–36. DOI 10.1016/S1474-4422(21)00159-9.

Abréviations utilisées dans le texte :

  • CMH : Complexe majeur d’histocompatibilité
  • Fragment Fc : fragment cristallisable des immunoglobulines (composés de 2 à 3 domaines de la chaîne lourde des immunoglobulines

En savoir plus sur le FcRn :

FcRn un récepteur d’IgG aux multiples facettes. Charlotte Magdelaine-Beuzelin, Marc Ohresser et Hervé Watier. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 1053–1056

Sur le thème : Traitement des maladies autoimmunes, le CEnI a publié : Succès des « CAR-T cells » anti-CD19 dans le traitement du lupus érythémateux systémique réfractaire

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